Les licences du web 2.0

Avec l’émergence du Web 2.0, on assiste à un phénomène massif de partage et de valorisation de l’autoproduction des internautes notamment sur les sites d’intermédiation : youtube, dailymotion, myspace, flickr… Cependant les droits d’utilisation attachés à leurs œuvres sont rarement spécifiés alors que de plus en plus de nouvelles licences se situant dans la même mouvance que le logiciel libre sont apparues récemment et permettent de les préciser. Cet article se propose de faire le point sur les différentes licences “Libre” existantes pour les logiciels et les œuvres de l’esprit en général, des licences open source aux licences creative commons.

logos OS

Historiquement, le logiciel libre s’est développé en réaction aux restrictions d’utilisations sur les logiciels imposées par les industriels de l’informatique. Avant les années 70, cohabitaient des systèmes informatiques concurrents incompatibles, les logiciels étaient alors fournis gratuitement avec les machines et le code source disponible. Par la suite, le développement de la compatibilité entre les systèmes techniques modifie le statut du logiciel. Il devient alors un bien, non plus distribué gratuitement, mais payant avec un droit d’utilisation restreint et des sources non publiées.

En 1984, en réaction à un mode marchand fondé sur l’appropriation, Richard Stallman crée la Free Software Foundation (FSF) pour soutenir le développement des logiciels libres. Avec Eben Möglen, professeur de droit convaincu par le Libre, il conçoit la forme juridique sur laquelle repose la pérennité des logiciels libres, le concept de copyleft et la licence GPL (General Public Licence). Le principe du copyleft autorise à tous l’utilisation, la copie, la modification et la diffusion d’un logiciel, mais impose l’obligation de publier le code source et de mettre tous les logiciels dérivés sous licence Libre.

Cependant, avec le développement de Linux et ses distributions commerciales (RedHat, Mandrake et autres), le logiciel libre se diffuse dans la sphère marchande. Apparait alors le mouvement Open Source, qui va permettre de mettre en place des conditions favorables à des activités commerciales autour du logiciel libre. En 1998, Bruce Perens et Eric Raymond créent l’Open Source Initiative (OSI) et le label OSI certified pour certifié le caractère Open Source d’un logiciel. D’autres licences vont alors émerger et faciliter l’intégration du logiciel libre dans la sphère marchande.

En pratique, il existe peu de différences entre les licences issues de la FSF et de l’OSI Si les licences de l’OSI sont plus favorables à l’intégration des logiciels libres dans la sphère marchande, les principes du développement coopératif et de l’organisation des projets restent presque identiques.

Les caractéristiques des différents types de licence Open Source

/Caractéristique/ Type de licence Les licences Appropriation Contamination
Copyleftée
héréditaire ou contaminante (1)
GPL (General Public Licence), MPL (Mozilla Public Licence) Non Oui
Copyleftée
persistante (2)
LGPL (Lesser GPL) Non Non
Non copyleftée Xfree86, Xconsortium, BSD, X11, Apache modifié Oui No

(1) Les licences copyleftées héréditaire ou contaminante imposent l’obligation de placer sous la même licence tout logiciel modifié ou dérivé.

(2) Les licences copyleftées persistantes autorisent le mélange logiciel open source et logiciel propriétaire et le placement du logiciel dérivé sous licence propriétaire à condition que le module open source garde sa licence d’origine.

Il existe aussi des licences hybrides qui mélangent les caractéristiques des licences libres et propriétaires en imposant des limitations au niveau de la diffusion et la modification : SCSL (Sun Community Source Licence), QPL (Qt Public Licence)

Voir la liste des licences sur le site de l’Open Source Initiative

Une extension de la logique open source à toutes les œuvres de l’esprit

Les principes de partage des sources et de liberté d’utilisation se diffusent alors dans d’autres domaines, notamment dans l’édition de contenu.

En 2000, Ryan Dancey, vice président de Wizards of the Coast (WOTC) chargé du secteur Jeux de rôle, crée l’Open Gaming Foundation avec l’idée de créer un standard dans le secteur du jeu de rôle sur les mêmes principes que le secteur de l’open source. WOTC met alors la troisième édition de son célèbre jeu Dojons et Dragons (D&D) sous un système de règle appelé Système D20, qui permet à n’importe quel acteur d’utiliser ces règles de façon non exclusive, gratuitement et de modifier, reproduire et distribuer le système D20, sans payer de royalties à WOTC. Cependant WOTC préserve ses droits de propriété sur certains règles de D&D qui ne peuvent pas être reproduites dans le cadre du système D20 et qui nécessitent l’achat du livre de règles de la 3e édition de D&D.

En 2001, l’organisation Creative Commons est fondée à la Stanford Law School à l’initiative du professeur de droit Lawrence Lessig. Le principe est de permettre de manière légale la circulation et le partage des œuvres (textes, photos, musique, sites web, etc…) par les auteurs qui souhaitent enrichir le patrimoine commun (les Commons).

Les licences Creative Commons ont été rédigées en référence à la législation américaine du copyright mais l’objectif du projet est d’adapter les textes afin de faciliter leur utilisation dans le monde entier. Dans chaque pays, une équipe de juristes volontaire participent à l’adaptation et à la traduction des licences en fonction des spécificités nationales. Il s’agit de permettre la compatibilité et l’interopérabilité entre les différentes versions pour favoriser la production d’œuvres associant des contributions d’origines diverses. En France, la traduction et l’adaptation des licences Creative Commons au droit français a été assurée à partir de 2003 par le groupe de recherche IDL (Information Droit et Linguistique).

Avec les licence Creative Commons, l’auteur conserve son droit d’auteur tout en autorisant les autres à reproduire et distribuer sa création à condition respecter les conditions spécifiés par les 4 paramètres suivants :

by Attribution. L’œuvre peut être librement utilisée, à la condition de l’attribuer à l’auteur en citant son nom

nc Non commercial. Le titulaire des droits peut restreindre l’utilisation de l’œuvre à des fins non commerciales (les utilisations commerciales restant soumises à son autorisation).

nd Pas de travaux dérivés. Le titulaire peut réserver la faculté de réserver des œuvres de types dérivées.

sa Partage à l’identique. Le titulaire à la possibilité d’autoriser à l’avance les modifications mais avec l’obligation pour les œuvres dites dérivées d’être proposées au public avec la même licence Creative Commons que l’œuvre originale.

La citation du nom étant obligatoire, le mixage de ces 4 paramètres permet de définir 6 types de licence plus ou moins restrictive. Le site Creative Commons met à disposition une interface qui permet de construire sa licence et de générer un code html a insérer à côté de l’œuvre; Ce code qui permet de reproduire automatiquement sur le site le logo Creative Commons et d’établir un lien vers la version résumée du contrat pour informer le public de la licence associée à l’œuvre. Les moteurs de recherche Google et Yahoo reconnaissent maintenant ce code et proposent une recherche spécifique sur le contenu sous licence Creative Commons.

Adobe fournit un système de metadonnées qui permet d’intégrer la licence directement dans le fichier. Microsoft a décidé d’inclure dans les versions à venir de Word, Excel et powerpoint un outil permettant d’ajouter automatiquement une licence Creative Commons pour protéger l’œuvre.

L’intégration par Adobe et Microsoft d’outils permettant de spécifier les droits d’une œuvre en utilisant le système de licences Creative Commons semble indiquer que ces licences sont en train de devenir un standard dans le domaine du contenu librement partagé.

Cependant il existe d’autres licences qui spécifient les droits d’utilisation d’une œuvre.

La Licence Art Libre (ou LAL) créée en 2000 est une licence qui applique le principe du Copyleft à la création artistique. Elle autorise tout tiers, ayant accepté ces conditions, à procéder à la copie, la diffusion et la transformation d’une œuvre, comme à son exploitation gratuite ou onéreuse, à condition qu’il soit toujours possible d’accéder à sa source pour la copier, la diffuser ou la transformer. Soumise au droit français, elle est valide dans tous les pays ayant signés la convention de Berne.

Public Domain. Cette licence permet de mettre une œuvre dans le domaine public avec une exploitation libre et sans paiement de redevance. Elle n’est valable que sur le territoire des Etats-Unis.

La licence Developing nations, qui permet de diffuser librement et gratuitement l’œuvre dans les pays en voie de développement tout en préservant les redevances dans les pays développés

Les licence Sampling qui permettent d’échantillonner ou de transformer d’une autre manière créative cette création, que ce soit à des fins commerciales ou non commerciales suivants les licences : sampling, sampling+, NonCommercial Sampling Plus

La licence Music Sharing permet de donner d’autoriser le téléchargement, le partage du fichier musicale, la copie et l’émission diffusée sur le web, mais pas de la vendre, de la modifier ou d’en faire une utilisation commerciale.

Conclusion.

Issues de la mouvance du logiciel libre, des licences spécifiques ont permis d’organiser le développement collectif de logiciels tout en empêchant son appropriation pour des utilisations commerciales ou son intégration dans les logiciels propriétaires. Par la suite, des licences plus restrictives sont apparues et ont permis au logiciel libre de se diffuser dans la sphère marchande. La même logique se développe pour l’ensemble des œuvres de l’esprit, avec une gamme étendue de licences qui vont du copyright “pur” à la mise à disposition sans restriction dans le domaine public. Des licences intermédiaires (Commons Creative) permettant à la fois une large diffusion et quelques fois une utilisation commerciale. Ces types de licences soutiennent le développement d’un secteur économique intermédiaire qui allie développement collectif, mode de diffusion maximum et commercialisation des œuvres.

Tous les sites se proposant de diffuser les œuvres des internautes ou de les associer à un projet de nature collectif, par une entreprise privée ou un organisme public, ont maintenant à leur disposition des outils juridiques de plus en plus matures. Reste tout de même quelques incertitudes liées à la validité de ces licences dans des pays qui ont des législations nationales très différentes, à la compatibilité entre les différentes versions de ces licences et des ambigüités sur le développement d’œuvres dérivées multiples et complexes qui rendent difficile le traçage de tous les auteurs.

Bibliographie et sources

Art Libre website, http://artlibre.org/licence/lal/

Demil, B. and X. Lecocq (2002). “Imposer un standard dans les industries en réseau par une stratégie d’ouverture des droits de propriété“. AIMS 2002.

Demil, B. and X. Lecocq (2004). “La standardisation des produits sur le marché américain du jeu de rôle: stratégie agglomérée et jeux d’acteurs“. AIMS 2004.

Creative commons, http://fr.creativecommons.org/index.htm

Hilliot Dana (2005) “Bref éloge de la licence Creative Commons nc nf” – Framasof, art. 167

Muselli, Laure (2006). Du non marchand au marchand : l’open source comme outil stratégique. Thèse en Sciences de Gestion. Paris 13. 11 octobre 2006.

Wikipédia. Article sur les licences Creative Commons.

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