Les vraies leçons de management de Steve Jobs

Le biographe officiel de Steve Jobs, Walter Isaacson, a récemment publié un article dans Harvard Business Review sur ce qu’on peut apprendre en terme de management de l’histoire de Steve Jobs chez Apple et Pixar. Steve Jobs a contribué à créer et transformer radicalement 7 industries : l’ordinateur personnel, le film d’animation, la musique, le téléphone, la tablette informatique, le commerce de détail et l’édition numérique. A ce titre, il va probablement rejoindre le panthéon des grands inventeurs comme Thomas Edison, Walt Disney, ou encore Henri Ford.

Dans son article, Walter Isaacson revient sur la manière dont Steve Jobs a géré ses affaires. Pour lui, sa réussite ne tient pas seulement à sa personnalité mais à quelques principes de bases que Steve Jobs a développé et appliqué tout au long de sa carrière d’innovateur et de manager. Je vous livre une synthèse des 14 principes énoncés par Walter Isaacson.


FOCALISATION SUR L’ESSENTIEL

Quand Steve Jobs est retourné chez Apple en 1997, la société produisait une multitude d’ordinateurs et de périphériques. Steve Jobs a simplifié les catalogues en deux gammes de produits, portable et ordinateur de bureau, pour deux types d’utilisateurs, grand public et professionnels.  Pour Steve Jobs « décider de ce qui ne faut pas faire est aussi important que de décider de ce qu’il faut faire ». Chaque année Steve Jobs réunissait les 100 personnes les plus importantes d’Apple et demandait qu’elles seraient les dix choses à faire prochainement. Une fois les dix sélectionnées, Steve demandait d’en garder que trois.


SIMPLIFICATION

Pour Steve Jobs les produits devaient être simple à utiliser et simple à comprendre. Steve Jobs a appris à aimer la simplicité quand il a travaillé sur le premier jeux d’ATARI, deux instructions suffisaient alors pour apprendre à utiliser le jeu. Néanmoins la simplicité ne s’acquière qu’à l’issu d’un énorme travail de conception. Durant la conception de l’interface de l’iPod, Steve Jobs essayait de couper des fonctionnalités à chaque réunion. Pour lui tout devait être accessible en trois clics. Quand il a suggéré de supprimer le bouton on/off, tout le monde a d’abord été choqué, pour finalement se rendre à l’évidence de l’inutilité de ce bouton. En élaborant un écosystème technique, Steve Jobs a pu reléguer les fonctions les plus complexes sur itunes avec l’ordinateur pour simplifier l’iPod.


PRENDRE EN CHARGE TOUTE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR

Pour Steve Jobs, le producteur doit prendre toute la responsabilité de l’expérience utilisateur. De la vente de ses produits en passant par le matériel, les logiciels et les périphériques, toutes ces composante doivent être soigneusement liées ensemble pour procurer une expérience utilisateur optimale. « Les gens n’ont pas le temps, ils ont autre chose à faire que de penser comment intégrer leur appareils ensemble » disait Steve Jobs. Cette prise en charge de l’expérience utilisateur était liée à sa personnalité très autoritaire mais aussi à sa passion pour la perfection et les produits élégants.


ÊTRE EN AVANCE DE PHASE

Il ne s ‘agit pas seulement pour une entreprise de développer les nouvelles idées mais aussi de sauter à la prochaine quand celles-ci sont dépassées. Lors de la conception de l’iMac, Steve Jobs a développé les logiciels utiles pour gérer la vidéo et la photographe en négligeant la musique, allant même jusqu’à omettre la fonction gravure de CD. Il ne s’est pas contenté de rattraper son retard à la version suivante mais il a inventé une nouvelle façon de gérer la musique avec l’association de itunes et du ipod. Par la suite, il a été beaucoup plus loin dans la téléphonie, n’associant pas seulement l’ipod et le téléphone, mais en créant un véritable compagnon numérique avec les Apps.


METTRE LE PRODUIT AVANT LES PROFITS

Seve Jobs ne recherchait pas dans un premier temps le profit. La recherche de l’optimisation financière à tout prix tue l’innovation. Lors de la conception du Macintosh, il écrivait sur le tableau blanc « pas de compromis ».  Cela a abouti a une machine très couteuse, difficilement vendable, mais elle a marquée son époque et positionnée clairement Apple dans la révolution de la micro-informatique. Pour Steve Jobs, quand le marketing et les ventes prennent le pouvoir dans une entreprise, les profits sont condamnés à long terme. La priorité est de faire des bons produits innovants et les profits suivent.


NE PAS ÊTRE ESCLAVE DE SON CLIENT

Pour Steve Jobs, « le consommateur ne sait pas ce qu’il veux tant qu’il n’a pas vu le produit ». Les études de marché et focus groupes sont inutiles. Il préfère aux études l’observation et l’intuition de ce que les clients veulent. Steve Jobs se considère comme un focus groupe à lui tout seul : il fait les produits qu’il voulait et que ses amis voulaient. Dans les années 2000, Steve Jobs sentait bien que les appareils de musique portable étaient en décalage avec les vrais besoins des clients. Il voulait pour lui un appareil simple qui pouvait contenir des milliers de musique dan la poche. Il l’a fait et on connaît le succès de l’iPod.


TORDRE LA RÉALITE

Steve Jobs avait le don (ou la malédiction) de mettre les gens dans des situations impossibles. Phénomène que ses collègues ont appelé un champ de distorsion  de réalité, en référence à un épisode de Star Trek. Et ça marche. Quand Steve Jobs a embarqué Steve Wozniak dans l’aventure de la création du jeu Breakout, Wozniak demandait 1 mois de délais. Sous la pression de Jobs, il l’a développé en 4 jours. Steve Jobs pensait que les règles ordinaires de la vie ne pouvaient s’appliquer à lui-même et ses équipes. Il poussait ses collaborateurs à faire l’impossible car ils ne réalisaient pas que c’était impossible. En cas de contestation, il trouvait les arguments. Lors de la conception du Macintosh, il  a poussé Larry Kenyon a faire démarrer le système d’exploitation en moins de 30 secondes au prétexte que pour l’ensemble des utilisateurs cela ferait économiser un siècle de vie d’attente chaque année.


IMPUTER UNE SENSATION GLOBALE

Le troisième principe de la doctrine Steve Jobs après Focus et Empathy, était Impute. Pour lui, la première impression d’un produit est essentielle, d’où l’importance d’investir dans le design, le packaging et la présentation sur le point de vente. Tout doit contribuer à donner l’impression que la machine est accessible, « friendly », le design de la machine, le design du système et le packaging qui est aussi une expérience tactile.


POUSSER A LA PERFECTION

La recherche de la perfection doit conduire la conception de tout produit. Steve Jobs était capable de mettre en pause la conception et le lancement d’un produit si il sentait que ce n’était pas parfait. Il a fait refaire tout le design de l’iphone, mettant à la poubelle des mois d’effort, car les premières versions intégraient un bord en aluminium autour de l’écran, trop masculin selon Steve Jobs. De même, il a été jusqu’ à faire redessiner la carte mère du Macintosh pour qu’elle soit belle alors que la machine ne pouvait pas être ouverte. Cela semble excessif pour la majorité des personnes, mais la perfection se voit, se ressent, et finalement ça a contribué aux succès des produits d’Apple. Steve Jobs agissait comme un artiste, ses produits étaient ses créations.


NE TOLÉRER QUE LES MEILLEURS

Steve Jobs ne voulait travailler qu’avec les meilleurs. Il terrorisait ses collaborateurs qui n’avaient pas le droit d’être médiocre. Néanmoins l’insolence et la rudesse de Steve Jobs s’accompagnaient de sa capacité à inspirer les autres. Il a infusé chez Apple sa passion à créer des produits de rupture accomplissant ainsi l’impossible. Il suscitait aussi la loyauté, les hauts cadres de Apple avaient tendance à être plus fidèles à la société que dans les autres groupes. Sa rudesse associée avec sa vision et sa passion lui permettait d’obtenir le meilleur de ses meilleurs collaborateurs.


FAVORISER LES RELATIONS DIRECTES EN FACE A FACE

Steve Jobs gérait plutôt les relations en face à face que par mail et ichat. Pour lui, les idées ne pouvaient venir que de discussions impromptues, de la rencontre aléatoire et du contact avec les autres. Ils avaient fait concevoir les bureaux de Pixar pour les collaborateurs soient obligés de se croiser dans les couloirs pour aller aux boites aux lettres, salles de réunion, lieux de détente «  si un immeuble n’encourage pas cela, c’est une perte de plein d’innovation et de la magie qui émerge de la sérendipité ». Steve Jobs détestait les réunions formelles, avec présentations, il préférait les réunions plus spontanées en face à face.


AVOIR UNE VISION A LA FOIS DE LA GLOBALITÉ ET DES DÉTAILS

Steve Jobs était capable d’avoir à la fois une vision globale et détaillée. Pour Jeff Bewkes, le dirigeant de Time Warner, Steve Jobs pouvait envisager une stratégie globale de long terme tout en se concentrant sur le détail du design. En 2000, il a eu la vision du « hub numérique » qui gérerait tous les contenus des utilisateurs tels que la musique, la photographie, les vidéos, les livres… En 2010, le « hub numérique » passe dans les « nuages », et Apple a construit de grandes fermes de serveur informatique.


COMBINER LA CULTURE AVEC LA TECHNOLOGIE

Steve Jobs connectait la culture avec les sciences, la technologie et la créativité, les arts et l’ingénierie. Il a été un grand ingénieur et certainement un meilleur designer et artiste. La créativité ne peut arriver que quand on réunie la culture et la science au sein d’une forte personnalité. C’est probablement la clef de l’économie de l’innovation du XXIe siècle.


RESTER AFFAMÉ ET PASSIONNÉ

Steve Jobs était le produit de deux mouvements culturel des années 60. Le premier était la contre culture Hippie et l’activisme contre la guerre de la baie de Saint Francisco, qui étaient marqués par le rock, les drogues et l’anti-autoritarisme.  Le second était la culture High-tech et le hacking de la Silicon Valley. Cette mixture a profondément marquée Steve Jobs sur l’idée que la technologie pouvait être notre amie. Steve est resté affamé et passionné toute sa carrière en combinant les affaires et l’ingénierie, tout en portant une philosophie hippie non conformiste, artiste et rebelle. Même si Apple est devenu une grande entreprise, Steve Jobs affirmait que la rébellion et la contre-culture restait dans ses gènes, gardant dans son cœur le « penser différent ».

Source : Isaacson Walter, The real leadership lessons of Steve Jobs, Harvard Business Review n°90 (4), Avril 2012

Voir aussi : Anti manuel de la méthode de Steve Jobs

8 Replies to “Les vraies leçons de management de Steve Jobs”

  1. Jean-Romain MichauxNo Gravatar

    Merci pour la traduction. Le biographie de S.JOB écrite par WALTER est de très bonne qualité. Je vous recommande du même auteur la bio de B.FRANKLIN

  2. GuyNo Gravatar Auteur de l'article

    Merci. Juste une précision. Il s’agit pas d’une traduction littérale mais d’une synthèse. L’article de base est bien plus long et détaillé. On retrouve aussi ces aspects dans la bibliographie de Isaacson qui est effectivement bien écrite.

  3. AlcideNo Gravatar

    Un bien beau papier, très instructif mais la traduction de l’anglais est pour le moins “bizarre”.

    Traduire un cloud en français (“nuage”) est plutôt osé !

  4. GuyNo Gravatar Auteur de l'article

    Effectivement, le “cloud computing” ne correspond pas à littéralement à informatique dans les nuages mais c’est souvent employé. C’est un peu poétique et je préfère celui là que les termes purement techniques.

  5. Matlog systèmesNo Gravatar

    C’est même un peu plus que du management à ce niveau là, c’est un véritable caractère qu’il faut avoir pour suivre les pas de Steve Jobs. La synthèse de sa bio est très bien écrite on retrouve bien la personnalité et le raisonnement de ce grand monsieur.

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