Comment éviter les catastrophes écologiques ? Développer la résilience écologique.

Fiche de lecture

Avoiding ecological surprise : lessons form long-standing communities

Andrew King – Academy of Management Review – vol 20(4) – 1995

Avoiding ecological surprise : lessons form long-standing communities d’Andrew King fait partie de ces textes qui font réfléchir et donnent des perspectives sur le long terme. Il est d’autant plus primordial qu’aujourd’hui, la crise climatique prend toute son ampleur et qu’on commence à en sentir directement les effets. Andrew King étudie des communautés qui ont évité de provoquer des catastrophes écologiques et essaye d’en tirer des leçons pour nos sociétés contemporaines.

L’écologie suggère qu’il y a de multiples points d’équilibre dans un système complexes et que personne ne peut prévoir les comportements d’un tel système. L’humanité peut facilement provoquer des dérèglements écologiques et pousser le système à trouver un nouvel équilibre moins avantageux pour l’homme en dépassant des seuils ou en rendant l’écosystème plus instable L’écologie montre même que les essais de contrôle d’un tel système mènent à des résultats imprévus. Pour éviter les surprises, les individus doivent donc expérimenter de petits changements et évaluer la réponse de l’environnement. L’analyse des systèmes et de l’écologie suggère quelques règles pour éviter les catastrophes :
– utiliser rapidement l’information sur les détériorations de l’environnement
– changer avec prudence et lentement l’activité humaine (sauf si les dommages sont importants)
– éviter de gérer les systèmes avec un seul objectif
– permettre une variabilité temporelle et spatiale

Le papier propose d’étudier des communautés qui vivaient dans des environnements écologiquement sensibles et qui ont évité les catastrophes en gérant la propriété des ressources collectivement. L’auteur identifie quatre communautés qui font mieux que leurs prédécesseurs, descendant ou voisin pour éviter les catastrophes : des villages espagnols de 1650 à 1936, des villages du Japon médiéval de 1050 à 1550, les communautés agraires anglaises de l’ère pré-industriel de 1600 à 1800 et les villages pré-coloniaux d’Asie du Sud-Est de 1800 à 1900. Ces communautés ne vivaient cependant pas dans une nature vierge. Elles ont aussi été exposées à des chocs externes sur leur système local et elles ont connus d’importants changements au delà de la période considérée.

Les quatre communautés mettent d’importance ressources en communs, les individus et groupes détiennent des droits limités de gestion, d’utilisation et de retrait sur les ressources. Ces communautés géraient les droits de propriétés suivants les principes suivants :
– Accès : l’accès est ouvert seulement aux membres de la communauté et géré par la communauté
– Retrait : les droits de propriétés permettent le retrait de ressources particulières pour certaines périodes de temps. Aussi non, les ressources sont partagées avec la communauté
– Gestion : les détenteurs des droits d’utilisation sont sous le contrôle de la communauté, quelquefois toute la communauté coopère à la gestion des ressources.
– Exclusion : les détenteurs des droits peuvent être exclus par les autres.

En analysant les quatre études de cas, l’auteur fait 6 propositions dont l’élément central est basé sur la gestion collective de la propriété (community property management) :

Proposition 1 : en permettant l’accès à la fois à plus d’utilisateurs et des utilisateurs variés, la communauté encourage la rapidité et la complète perception des changements écologiques.
Proposition 2 : En rendant les changements observables, la communauté permet une rapide identification des sources de changement écologiques
Proposition 3 : En encourageant des institutions pour gérer les conflits, la communauté permet de rapide transfert d’information sur les dommages de l’environnement et l’internalisation de ses coûts.
Proposition 4 : En encourageant l’utilisation d’un portefeuille de ressources diverses et flexibles, la communauté permet des réactions rapides aux informations de l’environnement
Proposition 5 : En fournissant une assurance contre les désastres et en encourageant la distribution égalitaire des ressources, la communauté réduit le risque de modifications des ressources écologiques.
Proposition 6a : En encourageant diverses utilisations des ressources, la communauté prévient le contrôle des ressources écologiques dans le but d’optimiser un seul attribut
Proposition 6b : En limitant les barrières physiques dans un environnement naturel, la communauté restreint le contrôle humain des variations écologique.

Le management de la propriété par une communauté facilite l’observation par l’utilisateur des changements graduels de l’environnement, des modifications écologiques des ressources, le rapide transfert et la négociation des conflits écologiques. Elle encourage la diversité et la flexibilité du portefeuille de ressources, l’assurance des pertes, et la distribution de la richesse. Finalement, elle encourage plusieurs utilisations des ressources et restreint l’utilisation de barrières physiques. Toutes ces caractéristiques peuvent aider à prévenir les catastrophes écologiques.

L’auteur argumente que l’organisation sociale de la propriété des ressources dans une communauté peut jouer un rôle central dans la prévention des conditions qui peuvent provoquer un désastre écologique. Il s’oppose à Hardin (1968) qui soutient le contraire. Cependant pour l’auteur Hardin confond propriété commune avec non contrôle de l’utilisation des ressources. Andrew King propose la gestion collective de la propriété des ressources et non pas la propriété collectives des ressources.
De plus, cette recherche suggère que la communauté peut bénéficier d’une propriété commune même avec une partie de propriété privé et que cette combinaison peut contribuer à réduire les risques de catastrophes écologiques.

Finalement cet article suggère que la résilience écologique peut être un objectif plus important que le développement durable. Cette résilience a aidés les quatre communautés à prévenir la perte de contrôle de leur écosystème. Cependant elles n’ont pas mis en place de résilience aux changements sociétaux et elles ont finis par disparaitre à leur tour. L’auteur note que tout oppose les institutions modernes à ces communautés : les institutions modernes se concentrent sur la croissance, sur l’optimisation, sur la liberté individuelle, sur la propriété privée, et limitent donc l’observation par la société des changements de son environnement.

Les institutions modernes sont-elles capables de prévenir les catastrophes écologiques ? Le texte a été écrit en 1995, à une époque où l’on pouvait encore se gausser des écologistes et ignorer les changements climatiques. En 2008, l’état actuel de la planète nous montre que cette question est devenue importante, voire même vitale. De manière générale, la réflexion d’Andrew King peut s’étendre à la problématique des liens entre une organisation et son environnement (économique, sociétale, écologique). La dernière flambée du pétrole et des matières premières en générale montrent que nos institutions sont très mal équipées pour anticiper et réagir aux changements importants. Développer la capacité d’innover ne suffit pas, encore faut-il avoir la capacité de percevoir les problèmes et de se poser les bonnes questions. Toutes les données permettant d’anticiper la crise d’aujourd’hui sont présentes depuis une décennie (Cochet 2005). A part quelques individus qu’ont a taxé d’oiseaux de mauvais augures, quelles sont les institutions qui ont anticipés ces changements ? Très peu, tellement peu qu’aujourd’hui toute notre économie est prise en otage par la hausse rapide du pétrole et les dégâts risquent d’être très importants. Cette situation ne peut que nous interpeler en tant que chercheur en sciences de gestion. Que pouvons-nous apporter dans l’art de la gestion pour éviter les catastrophes écologiques et économiques ? Cet auteur apporte un début de réponse, même si son travail n’est pas généralisable, il a le mérite de poser la question et de pointer le fait que nos institutions sont peut-être fondamentalement inadaptées pour faire face aux défis qui s’annoncent.

Site Internet de l’auteur
Hardin, G. (1968). The tragedy of commons. Science, 162: 1243-1248
Chochet, Yves (2005). Pétrole apocalypse, Edition Fayard

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