Pourquoi Apple, Google et Microsoft gagnent-ils autant d’argent ?

Qu’est ce qui explique leur insolente réussite ? Leur position de domination au niveau mondiale ? Vous vous en doutez, la réponse n’est pas simple, et les causes sont multiples.

On l’explique souvent par leur capacité d’innovation technologique. Après tout Apple a créé le premier vrai micro-ordinateur grand public, Google le vrai premier moteur de recherche et Microsoft… et bien le premier système d’exploitation compatible avec de multiples marques d’ordinateurs. Mais l’innovation technologique n’explique pas tout.

Alors est-ce leur capacité à créer des barrières à l’entrée avec leur avance technologique ?

Ces sociétés sont, au niveau mondiale, en situation de quasi-monopole depuis des années, elles ne sont pas vraiment “challengé” par des concurrents crédibles.

Alors pourquoi cette insolente réussite ?  Pour répondre à cette question, on va s’intéresser à leur business model. Pour rappel, un business model est une modèle de proposition, création et capture de la valeur. Comme son nom l’indique, un modèle n’existe pas en tant que tel. C’est ici une façon de penser l’activité d’une entreprise pour mieux la comprendre, et surtout pour créer des activités viables.

Alors qu’est-ce que c’est vraiment ? Prenons l’exemple d’Apple. Apple, à ses débuts, concevait, fabriquait et vendait des micro-ordinateurs. La proposition de valeur était basée sur l’accès à un objet technologique haut de gamme et avec un beau design, qui permettait de faire beaucoup de choses. Apple maitrisait toute la chaine de valeur en concevant avec ses ingénieurs ses ordinateurs et son système d’exploitation, en fabriquant dans ses propres usines ses ordinateurs.

Plus tard Apple a même créée son propre réseau de distribution. On a ici un business model intégré dont les revenus sont issues de la vente de micro-ordinateur, une fois pour toute, mais avec un renouvellement assez récurent du fait de l’obsolescence rapide de la technologie informatique.

Apple a en fait inventé le modèle de conception, vente et fabrication de ce couteau suisse technologique qu’est le micro-ordinateur. Et Google, là c’est une autre histoire. Google a ses début à conçu un moteur de recherche, et a aussi inventé le système publicitaire qui insère une pub en fonction des mots clefs de la recherche internet. Son business model est donc très différent. On a ici deux catégories d’utilisateur, des internautes qui ont accès gratuitement au service du moteur de recherche, et des publicitaires qui payent en fonction de la valeur des mots clefs des publicités. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle un business model multiface. Google conçoit les technologies logiciels de son moteur de recherche, commercialise directement les publicités, fabrique ses serveurs. Elle est d’ailleurs très connu pour sa capacité a racheter de multiples start-ups qui ont développé des technologies intéressantes pour son activité.

Microsoft de son côté s’est bâti sur la conception et la vente de logiciel. Elle fait là aussi tout en interne, avec ses ingénieurs maison. Par contre pour la commercialisation, elle est passé durant de nombreuses par des intermédiaires, avec des bundle système d’exploitation et logiciels avec les fabricants d’ordinateurs, et la diffusion dans des réseaux de magasins spécialisés. Ici la rentabilité est assurée par sa position dominante. Microsoft a réussi à imposer son système d’exploitation sur de multiple marques d’ordinateurs et même de téléphone, grâce à une politique bien menée de partenariats. Du coup, elle peut vendre aujourd’hui très chère un système d’exploitation et des logiciels qui sont devenus indispensable pour de multiples entreprise et particuliers.

Le portefeuille de business models

Au fur et à mesure de leur développement, Apple, Google et Microsoft ont ajoutés d’autres business models à leur activités. Par exemple, Apple a rapidement publié des logiciels, un assistant personnel, le Newton, qui a d’ailleurs été un échec, et en 2007 elle a lancé l’iPhone qui assure une grand part de ses revenus et de sa rentabilité actuelle. Je vous la fait un peu rapide là, on verra en fait que son portefeuille de business model est bien plus fournit que cela. Et c’est la même chose pour les deux autres Microsoft et Google.

Avec Romain Gandia, un collègue enseignant-chercheur en management stratégique de l’université de Mont Blanc Savoie, on a effectué une recherche historique sur la constitution et le fonctionnement des portefeuilles de business models de ces trois géants de l’internet.

Pour étudier le portefeuille de ces sociétés, on a lu beaucoup d’articles de presse, d’articles de recherche, de livres , de blogs pour capter tous les éléments qui décrivaient leur business model… et peu à peu on a rempli d’énormes tableaux de description des business models , de leur portefeuille quoi.

Après analyse, on s’est rendu compte qu’en fait ces trois sociétés avaient la même architecture de portefeuille de business models. Étonnant non ? Alors qu’elles ont démarré leur activité sur des activités et des business models très différents.

Le résultat de cette recherche a été publié dans Management International : Romain Gandia et Guy Parmentier (2020). La gestion d’un portefeuille de business models connectés : une application aux secteurs du numérique. Management International, vol. 24, n° 5

Alors, et si le secret de leur réussite résidait dans cette architecture de portefeuille de business model ?

C’est la question qu’on s’est posé avec mon collègue. Bon je vais d’abord vous décrire cette architecture et après on verra pourquoi la constitution de ce type de portefeuille est redoutablement performant au niveau de la rentabilité.

Au centre de ce portefeuille de business model, on trouve pour les trois entreprises un business model multiface. C’est à dire un business model qui met en relation plusieurs groupes d’utilisateurs qui s’apportent mutuellement de la valeur.

Par exemple, chez Apple, on a des développeurs d’applications, des utilisateurs de ces applications et des publicitaires. Les développeurs apportent de la valeur aux utilisateurs car ils développent des applications très diversifiés qui comblent de nombreux besoins. La présence de nombreux utilisateurs attirent les développeurs qui y voient un marché intéressant. La présence de nombreux utilisateurs des applications attirent les publicitaires qui voient une opportunité pour diffuser des publicités extrêmement ciblés. On retrouve ce type de business model aussi chez Google et Microsoft.

Ensuite on a tout une série de business model qui viennent de connecter au premier via le business model du système d’exploitation. C’est ce business model qui fait la transition entre les autres, sans IOS ou Android, pas d’application, pas de publicité, pas d’utilisateurs. L’OS un business model car c’est une offre à part entière avec sa propre chaine de création de valeur.

Elle est gratuite chez Apple mais ça n’a pas toujours été le cas, il y a eu une époque où les système d’exploitation d’Apple était vendus. Les systèmes d’exploitation sont payant chez Microsoft et en partie gratuit chez Google. Et là on voit dans le cercle extérieur, tous les business models des téléphones, tablettes, objets connectés qui sont des business model à part entière avec une offre et une chaine de valeur à part.

Alors quelle est la spécificité de cette architecture de business model ? C’est que chaque élément est indépendant les uns des autres, mais que leur connexion crée une valeur globale qui est supérieure à la somme de ses parties. Grâce à la connexion des offres, on a des phénomènes économiques comme les effets de réseaux et les effets d’adoption qui vont accroitre considérablement la valeur proposée au consommateur et au final la valeur capturé par ces sociétés.

Le business model multiface au centre est renforcé par les multiples appareils qui peuvent utiliser les applications et contenus amenés par des développeurs et producteurs externes. De même ces appareils ont plus de valeur car ils sont connectés via le système d’exploitation à ce business model multiface. De plus, la compatibilité entre les appareils incitent à consommer les autres éléments du business models. Bref, la rentabilité globale de ce portefeuille de business model est assuré par leur complémentarité et par les effets de réseaux et d’adoption qui se mettent en place dans ce type d’architecture.

On constate dans ce cas, que ce n’est pas seulement l’innovation technologique qui assure la domination de ces géants du numérique, mais la construction d’un portefeuille d’offre complémentaire qui crée de la valeur pour des catégories d’utilisateurs complémentaires qui s’apportent mutuellement de la valeur. L’analyse stratégique dans l’industrie du numérique doit donc prendre en compte les portefeuilles de business model pour bien comprendre l’origine de l’avantage compétitif.

Ce n’est évidemment pas la seule raison de leur succès. Cette histoire montre qu’il ne suffit pas seulement de mettre beaucoup d’argent pour créer de super produit et service, encore faut-il savoir organiser leur complémentarité, surtout dans les industries du numérique.

Tous ces concepts, exemples, histoires, on le développe dans un livre qui sortira en 2021.

Pour en savoir plus sur le livre Stratégie et Business models à l’ère digitale

 

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