Le marketing face au web 2.0

Le marketing prend peu à peu en compte les changements profonds qui agitent la société dont le web 2.0 n’en est que la face immergée de l’iceberg. Même si au niveau théorique, depuis le début des années 80, l’école suédoise a reconsidéré le rôle du consommateur dans le processus d’achat et de consommation, les marketeurs découvrent aujourd’hui son pouvoir. Aux journées nationales du Marketing, Julien Levy, co-auteur du Mercator a fait une intervention qui montre la réelle prise de conscience par le Marketing du nouveau pouvoir du consommateur. Je vous restitue ci-dessous l’essentiel de son intervention.

A la base, le Marketing est construit sur les médias de masse, il s’adresse à un consommateur qui achète dans la grande distribution avec des marques qui communiquent via les médias de masse. Hors Internet est venu bouleverser ce schéma classique de distribution et de communication de masse. Aux Etats-Unis, les grands réseaux de TV sont passés de 60 à 25% de part d’audience en moins de 20 ans. En 2004, les 16-24 ans passaient plus de temps à consulter Internet qu’à regarder la Télévision. On assiste bien à la fin du Marketing de masse et les marketeurs doivent trouver de nouvelles façons de s’adresser à leurs clients.

Au niveau de la communication, le changement est triple, on passe d’une communication imposée à une communication de masse, d’une communication passive à une communication interactive, d’une communication pauvre à une communication riche en information.

La conséquence, c’est qu’une marque ne peut plus entièrement contrôler sa communication. La communication d’une marque est de plus éclatée sur une multitude de supports. Des sites comme jeboycottedanone.com montre la puissance de ce mouvement.

Les conséquences sont multiples :

Les clients ont la parole. Par exemple, sur les sites sur le cinéma, les clients s’expriment sur les films qui sont à l’affiche.

Les clients sont des créatifs. Voir par exemple de la vidéo sur youtube montrant ce qu’on peut faire avec une bouteille de Coca Light et des Menthos.

Les clients font des démonstrations de produits. Voir sur youtube la vidéo montrant comment on peut décrocher facilement un câble antivol d’ordinateur. La vidéo a été vu par des centaines de milliers d’internautes et le fabricant a du retirer le produit du marché. Avant le client aurait envoyé une simple lettre au service après-vente du fabricant et son action aurait été très limitée.

On assiste ainsi à l’émergence d’une démocratie d’opinion

Les clients se font donc entendre. Technocrati classe 12 blogs parmi les 100 premiers sites d’information. Pour trouver un site, les internautes passent par les moteurs de recherche. Google classe les sites en fonction de leur pagerank. On peut donc estimer l’importance d’un site pour google par rapport au nombre de liens qui pointe sur lui. Le blog de Loïc Le Meur par exemple, comptabilise plus de 7000 liens alors que celui de tf1.fr environ 3000 liens. Le blog de Loïc Le Meur a donc plus de poids pour Google. Google classera le site de Loïc Le Meur avant celui de tf1 à propos d’une recherche qui concerne une information présente sur les deux sites.

Les clients sont plus crédibles. D’après une étude du journal Nature parue en 2006, l’encyclopédie en ligne wikipedia, rédigée par les internautes, est presque aussi fiable que l’encyclopédie Britannica réalisée par des experts. De plus, 77% des internautes lisent les recommandations des autres internautes avant d’acheter.

La démocratie d’opinion est basée sur les principes suivants : rien n’est plus caché, toutes les opinions s’expriment, tout est accessible, la marque est une opinion parmi d’autres, certaines opinions valent plus que les autres…

Les marques ne peuvent donc pas ignorer ces changements et répondent de différentes manières :

Ils font comme avant en faisant différemment. L’exemple du faux blog de L’Oreal. L’Oreal a ouvert un blog parlant des produits Vichy en inventant un personnage fictif. Un internaute à fait un post remettait en cause la véracité du blog. Ce post a été repris plus largement sur Internet avant de se retrouver dans les médias traditionnel. Loreal a du s’excuser mais la marque a demandé des conseils aux internautes sur ce qu’elle aurait du faire.

Ils utilisent le viral créatif. On trouve sur youtube des vidéos très créatives qui vantent le mérite d’une marque, réalisées par les internautes ou les marques elles-mêmes, qui sont vus par des millions de personnes.

Ils prennent le risque de la liberté d’expression. Par exemple, Monopoly a lancé un concours de nom pour remplacer la rue de la Paix. Le nom de la rue la plus votée a été Montcuq. Microsoft embauche Scobleizer pour critiquer les produits Microsoft sur son blog. Nokia envoie ses téléphones aux bloggeurs les plus influents et publie toutes leurs remarques sur ses sites.

En conclusion, l’utopie n’est pas pour demain. Le pouvoir d’influence des médias a diminué mais il reste fort. Pour être connue par le plus grand nombre une affaire doit être reprise par les medias. Le rapport de force reste asymétrique. Que peuvent faire quelques individus par rapport à la puissance d’une multinationale ?

On assiste tout de même à une nouvelle donne qui a des conséquences sur le Marketing. C’est la fin du monopole des marques sur le discours, les clients créent et partagent. La contradiction et la polémique doit être acceptée. La transparence impose cependant de nouvelles exigences, une cohérence entre le dire et le faire et une émergence du faire et du être. Plus il y a de mouvement, plus s’impose le besoin de travailler sur le long terme et de construire la confiance envers la marque.
La démocratie d’opinion est transparente, protéiforme, contradictoire, polémique, mouvant… Or le Marketing s’est toujours basé sur les opinions. Le marketing n’est donc pas mort, il a plus que jamais son rôle a jouer pour aider les marques à vendre.

Cette intervention exprime un vrai changement du côté des Marketeurs. Par contre, je note que le client / consommateur / utilisateur est toujours considéré comme un influenceur et un producteur de message, et non comme un producteur de contenu et de service. Le Marketing prend conscience du pouvoir de nuisance ou de participation active du consommateur mais ne le considère pas encore comme un véritable acteur de sa consommateur. On reste donc très près de la conception traditionnelle du rôle du consommateur. Le pouvoir créatif du consommateur s’exprime t’il seulement dans la création du message publicitaire ? Le Marketing oublie alors le rôle de plus en plus croissant de l’utilisateur dans la conception du service à tous les stades de la conception, de la génération d’idée à la diffusion des produits et services.

1 Reply to “Le marketing face au web 2.0”

  1. Merci pour cet article.

    Trois commentaires:

    1- L’histoire de J Jarvis et Dell Hell http://www.buzzmachine.com/ est un bon exemple du pouvoir d’un blogger vis a vis d’une corporation.

    La mesure de la diffusion virale du commentaire negatif de J Jarvis « dell hell » a montre une correlation forte avec la chute des ventes de Dell et la baisse du cours de son action!.

    Dell a dans un deuxieme temps tres bien gere cette crise et est un modele en social media marketing.

    2- Il existe des exemples de conception par les utilisateurs: KIte ou Threadless :http://mass-customization.blogs.com/mass_customization_open_i/2005/08/an_interview_wi.html), http://www.threadless.com/

    3. Cote marketing, le client/consommateur/prescripteurs produit deja le message (ainsi qu indique, video youtube etc) mais aussi de plus en plus le ciblage par exemple en diffusant de maniere virale dans un widget ou une appli facebook
    (cf article dans mon blog http://blog.ecairn.com/2008/07/04/social-objects-opensourced-enterprise/)

    En vous priant d’excuser mon clavier anglais :-).

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