Un atelier de recherche sur l’industrie du jeu vidéo comme miroir de l’économie créative a eu lieu à Strasbourg le 3 et 4 mai. Il était organisé par Laurent Simon (BETA, université de Strabourg et MosaiC, HEC Montréal) dans le cadre de la chaire Gutenberg. Des présentations de chercheurs et de professionnels avec discussion à eu lieu sur des sujet aussi divers que :
- 10 ans d’intérêt pour l’industrie du jeu vidéo : un bilan et des questions (Laurent Simon)
- L’innovation dans le jeu vidéo entre exploration et exploitation : enjeux, dilemmes et pratiques (Chahira MEHOUACHI)
- Communities: The Gears of War for Agile Firms. Theory and Practice in the Video-Game Industry (Thierry BURGER-HELMCHEN,)
- Innover avec les joueurs : le cas du jeu Trackmania (Guy Parmentier)
- Plates formes collaboratives pour communautés de développeurs Onyx (Eric SCHENK)
- Les industries culturelles et créatives : enjeux et perspectives pour la communauté urbaine de Strasbourg (Marc DONDEY)
- Iconoval : un pôle image pour l’Alsace (Piotr SZYCHOWIAK)
- Qu’est ce qui caractérise une ville créative (Sophie DAUNAIS,)
- Le projet Thélème, une application des serious games (Patrick SCHMOLL)
- Projet de recherche : contenus culturels et identités dans le jeu vidéo (Laurent DI FILIPPO)
Il apparaissait au fur et à mesure des débats que le jeu vidéo interroge à la fois les organisations et le social dans son ensemble, certains n’hésitant pas à le qualifier de fait social total, miroir et représentation du fonctionnement de nos sociétés modernes.
En Sciences de gestion, les études portant sur le jeu vidéo ne pas vraiment prises au sérieux alors que les entreprises qui sont présentes dans ce secteur intègrent des contradictions et tensions qui sont intéressantes à analyser pour comprendre les industries créatives, voire même toutes les industries qui sont intensément productrices de connaissances. Même si cette industrie connaît aujourd’hui une crise très dure, qui n’est pas seulement lié à la crise économique de 2008, mais qui semble prendre ses racines dans un changement en profondeur à la fois des technologies, des usages des joueurs, et d’une modification de la structure de l’industrie, son poids économique et son impact sur la société mérite que la recherche s’intéresse plus au jeu vidéo.
Lors de l’atelier avons appelé cette crise, la crise de la quarantaine, en référence à ses quarante ans d’existence.
Les débats ont fait apparaître plusieurs questions clefs qu’ils restent encore à creuser et à développer au niveau académique.
1 – Le studio de jeu vidéo intègre la nécessité de gérer à la fois des équipes qui sont entièrement axées sur la création. Se pose alors la question du management de ces équipes créatives. Même si cette question est très proche du management des équipes innovantes, elle s’en éloigne sur les aspects production de sens. Il n’agit pas seulement de développer des technologies et des usages, mais aussi des produits culturels qui sont porteur de sens, de valeur et d’expérience ludique
2 – Le studio de jeu vidéo développe de plus en plus des stratégies d’ouvertures dans ses processus de production. Ouverture vers d’autres médias, ouverture vers des communautés de joueurs qui sont à la fois co-créateur, co-producteur et co-diffuseur du jeu. Ces multiples ouvertures remettent en question la vision traditionnelle des frontières de la firme et même la notion de ressources clefs.
3-L’industrie du jeu vidéo intègre une structure industrielle atypique dans laquelle les relations de dépendance entre acteurs sont très forte, avec quasi-uniquement que des petits ou gros acteurs. Les studios de développement de jeu vidéo essayent par tous les moyens de sortir de la dépendance des éditeurs en déployant des stratégies innovantes et des nouveaux business modèles. Cette industrie est donc intéressante à étudier pour qualifier les business modèles émergeant et suivre leur évolution. De plus comment suivre, repérer, et répartir la création de valeur quand une firme s’appuie sur les réseaux pour concevoir, produire et diffuser ses produits et services ? Se pose aussi le problème d’identifier et de qualifier le risque dans des entreprises qui développent du capital immatériel afin que se mettent en place des mécanismes de financement adéquat dans cette industrie. Il semble aussi que cette industrie, comme l’ensemble des industries culturelles, soit très sensible au effet de cluster. Le développement d’un environnement créatif pour les entreprises et les individus est aussi important que l’accès au financement pour que les entreprises du secteur prospèrent.
Un atelier très riche en idées, questions et réflexions qui sera peut-être renouvelé dans les années qui viennent.