Comment Free innove dans les télécoms ?

La sortie de la Freebox Revolution a récemment bousculé le marché des Fournisseurs d’accès Internet. Iliad, la société qui commercialise l’offre Free, fait de nouveau parlé d’elle. Il y a même une comparaison amusante sur le fait que Free copie Apple. Xavier Niel, le PDG de Iliad, est même appelé le Steve Job Français. Au delà de l’anecdote, comme je l’avais déjà fait sur ce blog à propos de l’innovation chez Apple, il est intéressant de s’interroger sur le modèle d’innovation de Free. Il faut se rappeler que même si la box internet était en développement dans les laboratoires de France Télécom au moment où la Freebox a été lancée, c’est bien Free l’inventeur de cette boite à tout faire. Free est aussi  l’histoire d’un entrepreneur qui a su trouver les bonnes recettes pour s’imposer sur un marché qui semblait il y a dix ans complètement verrouillé par l’opérateur historique, France Télécom. L’offre de Free a aussi permis d’accéder en France à des prix assez bas à des services internet de qualité. Il y a encore quelques années, aux Etats-Unis, un abonnement haut débit de base, sans services ajoutés, coutait au minimum 70 €. La Freebox Révolution a même été présentée au CES 2011 sur le stand d’Intel, histoire de promouvoir le nouveau processeur ATOM, dédié au applications de télévisions connectées.

Qu’est ce qui caractérise l’innovation chez Free ? Quelles sont les recettes de son succès, pas aussi important qu’Apple certes, mais tout de même assez remarquable.


Les premier pas dans les services Minitel et Internet, une innovation commerciale.

L’histoire de la Groupe Free a démarré avec le rachat par Xavier Niel de la société de minitel rose Fermic Multimédia, renommé Iliad. Par la suite en 1994, Xavier Niel investit dans le fournisseur d’accès SCT World-NET, l’un des premier Fournisseur d’Accès Internet (F.A.I.). Cette société sera revendue en 2000 à l’ancêtre de du groupe Neuf Telecom. Parallèlement, Iliad lance les services 3615 WORLDNET et 3615 ANNU. En 1999, Iliad obtient les licences nécessaire à l’exploitation d’un réseau de télécommunications et la fourniture de services de télécommunication au public. Elle lance alors une offre d’accès Internet sans abonnement, avec uniquement une tarification à la minute sans aucune surtaxe. C’est de là que l’offre Free tire son nom, avec le slogan “la liberté n’a pas de prix”. Ce type d’offre est pour l’époque une véritable innovation commerciale. Les internautes devaient pour  accéder à Internet non seulement payer un abonnement (de 45 à 95 F/mois) mais aussi l’accès au réseau télécom local.  D’autres offre du même type sont proposées à la même époque, Freesurf, World Online et Oreka. Néanmoins l’offre de Free, largement distribuée dans les grandes villes de France, soutenue par une publicité innovante, rencontre un succès immédiat. Iliad rachète aussi en 2001 l’opérateur One.tel qui avait échoué techniquement dans la mise en place d’une offre d’accès internet et de téléphone illimités.

L’arrivée dans le monde des FAI, la liberté et le bas prix.

En 2000, Iliad s’essaye à une première offre ADSL qui est plutôt un test technique et commercial qu’une vraie offre. L’année suivante Iliad commercialise une offre d’abonnement bas débit de 50 h d’accès pour le prix de 98 F. L’accélération de la concurrence avec notamment l’obligation de l’opérateur historique de louer son réseau à des tarifs réglementés permet à Free de proposer sa véritable première offre ADSL en 2002. Cette offre illimité, à un débit de 512 Koctet en download, était commercialisée à 29,99 €/mois. prix qui est resté inchangé jusqu’à la fin 2010. A la même époque, l’offre de France Télécom coutait de 35 €/mois pour 128 koctet à 80 €/mois pour 1024 koctet. Grâce à cette offre à plus bas prix et à l’accès libre en RTC, Free s’est construit à cette époque une image de société défenseur des intérêt de l’internaute, à l’écoute de ses besoins.

L’innovation continu dans l’internet haut débit

L’entreprise a alors su se créer une ouverture lors de dérégulation des télécoms des années 2000 en prenant à l’époque des décisions à contre-courant des principaux opérateurs de télécommunication français, tout en continuant la politique de prix bas. Iliad a construit son propre réseau, est entrée dans un processus d’innovation continue avec une internalisation du développement technologique, a développé les services et contenus accessibles sur sa plateforme et a favorisé le développement d’une communauté forte.

Free à construit son propre réseau

Dans le années 2000, à la sortie de la bulle internet, les réseaux  coutaient peu cher. Iliad a racheté des morceaux de réseaux existant avec une politique progressive d’extension afin de couvrir tout le territoire. Cette politique lui a permis de s’affranchir de la location de réseau à France Télécom et d’envisager ainsi une politique de prix bas. A l’époque, seul France Télécom et LDcom, l’ancêtre de Neuf Télécom, possédaient des réseaux de télécoms. Par la suite en 2004, il y avait 5 réseaux physique sur le territoire : France Télécom , Neuf Telecom, Cegetel et Telecom Italia (devenue Alice par la suite, puis rachetée par Free)

Free a mis l’innovation au coeur de son métier.

Free ne s’est pas contenté de copier les opérateurs en place. Il a monté une équipe d’ingénieurs très doués pour développer ses propres solutions technologique, la Box Internet et les DSLAM. Les premiers abonnés ADSL disposait d’un modem Sagem F@ast800 qui a été remplacé à partir de 2004 par la v3 de la Freebox.

Une internalisation de la technologie

Alors que ses concurrents faisaient appel en partie à des technologies externe, Free a tout conçu en interne, la Box et le DSLam. Cette internalisation lui a donné la liberté de créer de nouveaux services en se basant sur une Box fabriquée sur mesure. De plus, la Freebox est conçue elle-même comme un des éléments de l’infrastructure. Sur équipée, elle intégrait en son sein des composants destinés à être mobilisés au fur et à mesure du développement des nouveaux services. A son lancement, la V1 intégrait déjà la fonction téléphonie et TV. Ces deux services n’ont en fait été activés qu’en 2003 que pour les lignes dégroupées. La téléphonie “illimitée” était une véritable révolution qui va largement contribuer au succès de la Freebox. Par contre la fonction TV a été déployée très progressivement puisque ce service nécessitait la mise en place d’équipement spéciaux sur les DSLAM de Free. Parallèlement Free augmente les débits accessible au fur et à mesure du déploiement de son réseau et avec la mise à disposition de la V3 et surtout de la V4 qui était à la norme ADSL+ avec la possibilité d’accéder à une débit de 24 Mbps en zone dégroupée.  La V3 introduit la fonction routeur et le Wifi permettant ainsi aux Freenautes de se monter assez facilement un réseau d’ordinateur personnel chez eux . La V5, la Freebox HD, composée de deux boitiers, le routeur et le boitier TV, permettra de développer les services TV de Free : Tuner TNT, vidéo HD, VOD, Enregistreur, timeshifting, récupération de fichier de son ordinateur, faisant de la Freebox la première vraie plateforme multimédia connecté au Web. D’autres fonctions tels que la TV Perso et les télésites seront ajoutées par la suite mais ne rencontreront pas un grand succès. La Freebox HD offrait aussi d’autres services plus confidentiels qui en faisait l’offre la plus performante et la plus riche du marché : multicanal TV, téléphonie IP, Téléphonie SIP, envoi et réception de fax, réglage du ping, ring back tone, partage d’imprimante, réseau communautaire freeWifi… sans compter les fonctions cachées du type émulateur de console GameBoy, Master System et Game Gear.


La création d’une plateforme de contenu

La Freebox est surtout connu pour ses innovations technologique et de service, mais c’est aussi une superbe plateforme de diffusion de contenus. Iliad ne s’est pas contentée de diffuser quelques chaines, très vite, l’offre Free s’enrichit d’une centaine de chaines gratuites et payantes, et intègre très tôt l’offre canal + . Cette politique de contenu contribue aussi largement au succès de la Freebox. Aucun de ses concurrents n’a réussi à offrir une telle diversité de chaines dans un délai aussi court. La communauté, avec le site UniversFreebox.com, va même aider Iliad à faire venir des chaines étrangère sur le bouquet de la Freebox en prenant directement contact avec ces chaines. Iliad renforce cette politique du contenu avec la nouvelle Freebox Revolution en créant une plateforme capable de jouer des jeux au même niveau de qualité graphique que la Wii. Elle adopte aussi le modèle de l’Appstore avec le projet de mettre en place une boutique d’application et la diffusion d’un kit de développement.

La constitution d’une communauté forte

La communauté Freebox est très active, elle est constituée d’une centaine de sites web directement gérés par les internautes. Deux sites ont pris une grande ampleur dans la communauté, le site d’information Freenews (55 000 inscrits, 600 000 messages sur les forums en 2008) et le forum d’aide de l’ADUF (74 000 inscrits, 600 000 messages en 2008). Au fur et à mesure de la diversification de l’offre de Free, d’autres sites plus spécialisés se sont montés pour accompagner les nouveaux services. FreePlayer.org (40 000 inscrits, 57 600 messages) a vu le jour pour accompagner le logiciel FreePlayer, UniversFreebox.com (12 000 inscrits, 70 000 messages) s’est spécialisé sur l’actualité multimédia en diffusant des nouvelles sur la télévision, la radio et l’offre VOD. Iliad a établi dès le début de nombreux liens avec la communauté en invitant régulièrement des leaders communautaires dans ses bureaux et en impliquant des salariés dans les forums communautaires. L’innovation permanente, le manque d’information et de support technique, ont été le moteur du développement de la communauté. Iliad a pu se concentrer sur les aspects techniques de construction de son réseau et de développement de la Freebox en délégant une partie de la communication, du support technique et du développement logiciel à la communauté.

Modèle d’innovation de la Freebox

  • Construction et acquisition de réseaux physique de télécommunication et limitation des coûts de marketing (pas de réseau de distribution physique et liens forts avec une communauté active) afin de proposer des prix bas
  • Distribution d’une Internet Box “couteau suisse” gonflée technologiquement afin de pouvoir implantée des services innovants de manière continu
  • Développement en interne des technologies clés (BOX et DSLAM) pour pouvoir maitriser le développement de nouveaux services innovants
  • Politique active d’intégration de contenu (chaines, VOD, applications et jeux) pour faire de la freebox une plateforme de diffusion incontournable et attirante
  • Acquisition progressive de tous les métiers liées aux services de télécommunication pour devenir un opérateur global.

SOURCES

Iliad (Article de Wikipedia)

Iliad, le groupe (Free.fr)

Décès de Louis Dreyfus, acteur de la dérégulation (reseaux-telecoms.net 2009)

Dégroupage et cuisine interne… jusqu’à quand ? (PIAF 2004)

10 ans de Free (J-4) : l’ère RTC (Freenews)

10 ans de Free (J-3) : la conquête de l’ADSL (Freenews)

10 ans de Free (J-2) : la révolution Freebox (Freenews)

10 ans de Free (J-1) : l’innovation par les services (Freenews)

Au coeur du réseau free (Presence-pc.com 2006)

Interview – Cyril Poidatz (Free.fr)

One.Tel se met ses abonnés illimités à dos (Le Journal du Net)

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