Un nouveau livre sur l’innovation chez EMS : L’innovation de rupture de Benoît Sarazin

Des livres sur l’innovation, on en trouve des centaines, bourrés de concepts et de conseils pour aider les innovateurs en herbe ou avertis à mettre en place une stratégie d’innovation. Ces livres souffrent souvent d’un excès de concepts ou d’un excès de conseils pratiques sans profondeur, et il est rare de trouver un livre qui allie à la fois la recherche en management de l’innovation et l’expérience de conseil en innovation de l’auteur.

Le livre sur l’innovation de rupture de Benoît Sarazin fait partie de ces rares livres sur l’innovation qui mobilise des concepts compliqués de manière simple pour les mettre au service de l’action. C’est une bonne synthèse de ce qu’il faut savoir sur l’innovation de rupture avant de se lancer dans l’aventure. Il aborde avec détails les concepts liés à l’innovation de rupture, propose un processus pour mener à bien l’innovation et il décrit les actions pour mettre en place les conditions de succès. Il aborde aussi avec précisions la thématique des communautés d’innovation en exposant la méthode C3 (Canevas de Communauté Créative) qui permet de concevoir ou d’auditer une communauté créative.

Toutefois ce livre n’est pas exempt de limites. La première est de reprendre telle quelle, sans une grande prise de distance, le concept d’innovation de rupture « disrupted innovation » définit par Clayton Christensen. Ce terme a été traduit en français par innovation de rupture alors qu’en anglais il fait plutôt référence au pouvoir de perturbation de l’innovation que de rupture pure et simple. D’ailleurs Christensen insiste sur la perturbation progressive d’innovateurs qui ne sont pas toujours repérés par les entreprises établies. On est souvent loin de la rupture, le terme innovation de rupture est lui-même pour moi plus un terme marketing qu’un véritable concept. Au final il pourrait faire penser que ce type d’innovation est l’innovation ultime alors qu’en fait il n’y a pas de gradation de valeur dans l’innovation, tout dépend du contexte et des objectifs stratégiques de l’entreprise.

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Le livre sur les communautés d’innovation

L’ouvrage collectif Les communautés d’innovation publié par les Editions Management et Société propose d’étudier en profondeur ce que sont les communautés d’innovation, définies comme le regroupement d’individus qui partagent un intérêt commun pour un domaine donné.

Convaincus que, désormais, les communautés deviennent, dans les entreprises, des unités actives qui servent à générer, co-créer et valider des idées de nouveaux produits et services, le collectif d’auteurs présente les communautés d’innovation comme une source pertinente d’idées originales et explicite comment les entreprises peuvent s’y connecter pour enrichir leur processus d’innovation en connaissances et idées nouvelles. Comme une communauté ne se gère pas comme une entreprise, les managers doivent, en effet, adopter des méthodes adaptées à cette forme particulière d’organisation, et ainsi bénéficier des idées nouvelles issues des interactions sociales, du partage de connaissances et des activités communes ayant cours dans les communautés d’innovation. L’ouvrage propose alors des méthodes spécifiques pour que les entreprises réussissent à collaborer avec elles.

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Les vraies leçons de management de Steve Jobs

Le biographe officiel de Steve Jobs, Walter Isaacson, a récemment publié un article dans Harvard Business Review sur ce qu’on peut apprendre en terme de management de l’histoire de Steve Jobs chez Apple et Pixar. Steve Jobs a contribué à créer et transformer radicalement 7 industries : l’ordinateur personnel, le film d’animation, la musique, le téléphone, la tablette informatique, le commerce de détail et l’édition numérique. A ce titre, il va probablement rejoindre le panthéon des grands inventeurs comme Thomas Edison, Walt Disney, ou encore Henri Ford.

Dans son article, Walter Isaacson revient sur la manière dont Steve Jobs a géré ses affaires. Pour lui, sa réussite ne tient pas seulement à sa personnalité mais à quelques principes de bases que Steve Jobs a développé et appliqué tout au long de sa carrière d’innovateur et de manager. Je vous livre une synthèse des 14 principes énoncés par Walter Isaacson.


FOCALISATION SUR L’ESSENTIEL

Quand Steve Jobs est retourné chez Apple en 1997, la société produisait une multitude d’ordinateurs et de périphériques. Steve Jobs a simplifié les catalogues en deux gammes de produits, portable et ordinateur de bureau, pour deux types d’utilisateurs, grand public et professionnels.  Pour Steve Jobs « décider de ce qui ne faut pas faire est aussi important que de décider de ce qu’il faut faire ». Chaque année Steve Jobs réunissait les 100 personnes les plus importantes d’Apple et demandait qu’elles seraient les dix choses à faire prochainement. Une fois les dix sélectionnées, Steve demandait d’en garder que trois.


SIMPLIFICATION

Pour Steve Jobs les produits devaient être simple à utiliser et simple à comprendre. Steve Jobs a appris à aimer la simplicité quand il a travaillé sur le premier jeux d’ATARI, deux instructions suffisaient alors pour apprendre à utiliser le jeu. Néanmoins la simplicité ne s’acquière qu’à l’issu d’un énorme travail de conception. Durant la conception de l’interface de l’iPod, Steve Jobs essayait de couper des fonctionnalités à chaque réunion. Pour lui tout devait être accessible en trois clics. Quand il a suggéré de supprimer le bouton on/off, tout le monde a d’abord été choqué, pour finalement se rendre à l’évidence de l’inutilité de ce bouton. En élaborant un écosystème technique, Steve Jobs a pu reléguer les fonctions les plus complexes sur itunes avec l’ordinateur pour simplifier l’iPod.


PRENDRE EN CHARGE TOUTE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR

Pour Steve Jobs, le producteur doit prendre toute la responsabilité de l’expérience utilisateur. De la vente de ses produits en passant par le matériel, les logiciels et les périphériques, toutes ces composante doivent être soigneusement liées ensemble pour procurer une expérience utilisateur optimale. « Les gens n’ont pas le temps, ils ont autre chose à faire que de penser comment intégrer leur appareils ensemble » disait Steve Jobs. Cette prise en charge de l’expérience utilisateur était liée à sa personnalité très autoritaire mais aussi à sa passion pour la perfection et les produits élégants.

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Lead user et réseau social

Ce papier a reçu le prix Tudor Richards du meilleur papier. Il me parait intéressant car sa méthodologie est relativement simple et rigoureuse tout en reliant clairement créativité, caractéristique de lead user et position dans un réseau social.

Fiche de lecture

A Social Network Perspective of Lead User and Creativity : An Empirical Study among Children

Jan Kratzer and Christopher Lettl – Creativity and Innovation Management, Volume 17, Number 1, 2008

L’objectif de ce papier est d’étendre et d’intégrer la théorie de la créativité et de la théorie Lead User en mobilisant la notion de réseau social avec des enfants.  Cette étude se base sur une enquête de terrain auprès d’enfants en milieu scolaire (366 enfants répartis dans 16 groupes). La position individuelle  dans un réseau social influençant la créativité, il existe une forte probabilité pour qu’elle influence aussi le fait d’être lead user.
Les auteurs mettent en place un dispositif de recherche qui leurs permettent de mesurer  le degré de centralité dans un groupe (Degree Centrality) et le degré de centralité entre groupe (Betweennness Centrality) dans un réseau social, la position de Lead User (Lead Userness) et la créativité. Sa position en tant que lead user est mesurée par questionnaire, la créativité par le jugement d’expert suite aux résultats d’une séance de créativité et les mesures sur le réseau social par une observation de ces séances de créativité. L’étude statistique utilise aussi deux variables de contrôle, le genre et l’âge.

Les auteurs émettent 3 hypothèses :
1 – Plus la centralité entre groupe d’un enfant est élevée dans son réseau social, plus il est susceptible d’être identifié comme Lead User
2 – Plus haut la centralité entre groupe d’un enfant est élevée dans son réseau social, plus il aura une créativité élevée
3 – Il existe une relation entre la créativité d’un enfant et son identification comme Lead User
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L’effondrement du sens dans les organisations

Weick K. A. est un de ces auteurs “incontournable” qui est cité dans de nombreux articles en science de gestion, et dont les approches et théories sont largement reprises. Sa pensée intéresse à la fois les chercheurs et les praticiens mais malheureusement elle est complexe et s’appuie sur des notions empruntées à la psychosociologie et la philosophie. Néanmoins, Weick se base souvent sur des données secondaires, issues d’analyses de catastrophe ou dysfonctionnement. Il nous raconte donc des histoires tout expliquant les phénomènes, ce qui permet de faciliter l’appropriation de sa pensée.

The Collapse of Sensemaking in Organisation, the mann Gulch disaster son texte le plus cité (plus de 190 citations dans les revues académiques, source Ebsco), a été traduit en Français “L’éffondrement du sens dans les organisations, l’accident du Mann Gulch” dans le livre le Sens de l’action, Karl E. Weick : Sociopsychologie de l’organisation.

Dans cet article Weick analyse l’incident de Mann Gulch, en se basant sur le livre de Norman MacLean, Young Men and Fire (La part du feu, édition Rivages, Parid 1994), pour comprendre quels sont les causes qui amène une organisation à se défaire ? et Comment augmenter la résilience d’une organisation ?

Un texte passionnant, assez claire, bien traduit, qui permet par la suite de faciliter la lecture des autres articles de Weick en anglais. Stephanie Tillement, dans le cadre du séminaire de recherche MCOI, a réalisé une fiche de lecture sur ce texte.

Fiche de lecture : L’effondrement du sens dans les organisations, l’accident du Mann Gulch

Bibliographie :

The Collapse of Sensemaking in Organisation, the mann Gulch disaster. Weick, Karl E.. Administrative Science Quarterly, Dec93, Vol. 38 Issue 4, p628-652, 25p.

Le sens de l’action, Karl E. Weick : Sociopsychologie de l’organisation, ouvrage collectif dirigé par Bénedicte Vidaillet, Collectif Vuibert, Vuibert, 2003  

Comment tuer l’innovation avec l’analyse financière ?

Fiche de lecture

Innovation killers : how financial tools destroy your capacity to do new things

Christensen, Kaufman et Shi, Harvard Business review, 2008

Christensen Kaufman Shih

Pourquoi des entreprises bien gérées avec des dirigeants intelligents n’arrivent-elles pas à innover ?
Les auteurs identifient 3 outils d’analyse financière comme étant les responsables de cette difficulté
–    L’utilisation du cash flow escompté et de la valeur actuelle nette
–    La manière de fixer les coûts désavantage les entreprises en place face à leurs concurrents
–    L’accent sur le bénéfice par action comme référence de la création de valeur pour l’actionnaire détourne des investissements à long terme

Ces outils qu’on mobilise pour évaluer les investissements détournent de l’innovation. les auteurs proposent une nouvelle méthode pour mieux évaluer la valeur future d’un investissement afin de ne pas tuer l’innovation avec des outils inappropriés.

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Comment éviter les catastrophes écologiques ? Développer la résilience écologique.

Fiche de lecture

Avoiding ecological surprise : lessons form long-standing communities

Andrew King – Academy of Management Review – vol 20(4) – 1995

Avoiding ecological surprise : lessons form long-standing communities d’Andrew King fait partie de ces textes qui font réfléchir et donnent des perspectives sur le long terme. Il est d’autant plus primordial qu’aujourd’hui, la crise climatique prend toute son ampleur et qu’on commence à en sentir directement les effets. Andrew King étudie des communautés qui ont évité de provoquer des catastrophes écologiques et essaye d’en tirer des leçons pour nos sociétés contemporaines.

L’écologie suggère qu’il y a de multiples points d’équilibre dans un système complexes et que personne ne peut prévoir les comportements d’un tel système. L’humanité peut facilement provoquer des dérèglements écologiques et pousser le système à trouver un nouvel équilibre moins avantageux pour l’homme en dépassant des seuils ou en rendant l’écosystème plus instable L’écologie montre même que les essais de contrôle d’un tel système mènent à des résultats imprévus. Pour éviter les surprises, les individus doivent donc expérimenter de petits changements et évaluer la réponse de l’environnement. L’analyse des systèmes et de l’écologie suggère quelques règles pour éviter les catastrophes :
– utiliser rapidement l’information sur les détériorations de l’environnement
– changer avec prudence et lentement l’activité humaine (sauf si les dommages sont importants)
– éviter de gérer les systèmes avec un seul objectif
– permettre une variabilité temporelle et spatiale

Le papier propose d’étudier des communautés qui vivaient dans des environnements écologiquement sensibles et qui ont évité les catastrophes en gérant la propriété des ressources collectivement. L’auteur identifie quatre communautés qui font mieux que leurs prédécesseurs, descendant ou voisin pour éviter les catastrophes : des villages espagnols de 1650 à 1936, des villages du Japon médiéval de 1050 à 1550, les communautés agraires anglaises de l’ère pré-industriel de 1600 à 1800 et les villages pré-coloniaux d’Asie du Sud-Est de 1800 à 1900. Ces communautés ne vivaient cependant pas dans une nature vierge. Elles ont aussi été exposées à des chocs externes sur leur système local et elles ont connus d’importants changements au delà de la période considérée.

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Innovation et changement institutionnel

Fiche de lecture

Institutional Change in Toque Ville : Nouvelle Cuisine as an Identity Movement in French Gastronomy

American Journal of Sociologie – vol 108 (4), janvier 2003

Hayagreeva Rao, Philippe Monin, Rodolphe Durand

Abstract (traduction personnelle)

Un des défi du cadre théorique culturel institutionalism est d’expliquer comment les logiques institutionnelles et les rôles (role identities) sont remplacés par de nouvelles logiques et des nouveaux rôles. Cet article décrit les mouvements d’identité qui s’efforcent d’étendre l’autonomie individuelle comme un moteur du changement institutionnel. Il considère que la légitimité sociopolitique des militants, la théorisation des nouveaux rôles, l’adhésion des pairs pour la nouvelle logique et les gains acquis à l’issu de la conversion sont des coups portés à l’identité des acteurs qui les incitent à abandonner les logiques et rôles traditionnelles pour la nouveauté. Une étude empirique se focalisant sur la façon dont le mouvement de la Nouvelle Cuisine en France a poussé des grands chefs à abandonner la Cuisine Classique entre 1970 et 1997 fournit un support à cette argumentation. Le papier aborde pour finir les implications pour la recherche sur le changement institutionnel, les mouvements sociaux et l’identité sociale.

L’article s’intéresse au changement d’une institution par le changement de l’identité des acteurs d’une profession. Les institutions sont considérées ici comme des logiques et structures de gouvernances produites par des individus et des organisations. Les logiques institutionnelles sont des systèmes de croyances qui fournissent des guides pour l’action et constituent l’identité des acteurs et les structures de gouvernance sont des dispositifs qui permettent à l’autorité de s’exercer et qui contraignent l’action

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